Le Kente, un tissu royal tissé à la main

Étroitement lié à l'histoire du peuple Akan, le Kente ou Kita est un pagne africain traditionnel composé de bandes de coton ou de soie tissées à la main et cousues ensemble pour former des motifs et des figures colorés. Comme de nombreux autres tissus africains, le Kente, issu d'une longue tradition textile ancestrale, est un symbole de noblesse et de prestige. Ce tissu royal fait la fierté des peuples Ashanti et Ewe.

KENTE est le nom de ce tissu coloré et particulier dont les origines remontent au 12ème siècle et qui provient du peuple Ashanti du Ghana (on le trouve également chez les Ewe du Togo). Le kente tire son nom du terme "kenten" qui signifie "panier" en dialecte ashanti, car sa fabrication rappelle le panier.
Il existe principalement deux types de kente :

• Le kente ashanti, qui présente généralement des motifs géométriques aux couleurs vives. 
• Le kente ewe, qui présente des motifs humains ou animaux.

La légende du Kente, à l'origine une araignée

Selon la légende Ashanti, deux fermiers Krugu Amoaya et Watah Kraban, du village de Bonwire, tombèrent par hasard sur une araignée appelée "Anansi" (on retrouve cette araignée dans tous les contes traditionnels ghanéens) qui tissait sa toile. Emerveillés par la beauté de la toile, les fermiers sont retournés dans leurs villages, déterminés à essayer de recréer la toile de l'araignée. Ils ont commencé à tisser avec des fibres de différentes couleurs et ont ensuite présenté leur toile à l'"Ashanti Asantehene" ou roi Nana Osei Tutu (qui a régné de 1701 à 1717). 

Selon la légende, c'est ainsi que le premier kente est né et a été offert au roi. Le roi fut émerveillé par la beauté du présent et éleva immédiatement les tisserands au rang de la royauté. Ils devinrent les costumiers exclusifs du roi. Les tissus tissés pour le roi étaient uniques et quiconque s'aventurait à les imiter était puni. Cette légende démontre la valeur accordée au Kenté par les rois et la noblesse Akan. 

Les couleurs et les motifs sont soigneusement choisis par les tisserands et leurs clients. Chaque symbole du tissu Kente a une signification culturelle.

Symbolique des couleurs

Bleu évoque les vastes espaces du ciel et de la mer. Il symbolise l'élévation, la communion mais aussi l'humilité, la retenue, la patience et la sagesse. Le roi et tous les nobles ont une parfaite maîtrise de leur environnement et de leur entourage, il ne faut pas l'oublier ! Le bleu évoque la paix, l'harmonie et l'amour. Le bleu est souvent associé au jaune, au blanc et au rouge pour exprimer que la richesse et le pouvoir sont basés sur la spiritualité qui apporte tranquillité et équilibre et est un gage de stabilité pour les pouvoirs en place.

Autres couleurs moins courantes :

• gris: rituels de guérison et de purification, associés aux cendres.
• marron la couleur de la terre mère ; associée à la guérison.
• rose, porté plutôt par les femmes, l'essence féminine de la vie.
• violet est associé aux aspects féminins de la vie, le plus souvent porté par les femmes.
• rouges sont des symboles politiques et spirituels, des effusions de sang, des rites sacrificiels et la mort.
• argent est la sérénité, la pureté, la joie, associée à la lune.

Au symbolisme des couleurs, il convient d'associer ceux des formes et motifs géométriques. Il en existe 5, le carré, le triangle, le losange, le cercle et la croix.

Symbolique des formes

Les carré est le symbole de la terre et du cosmos, ses quatre côtés représentent la jonction et l'union de ces deux entités. Il est associé à la féminité, car la femme, au-delà de sa vie (naissance-existence-mort-élévation) donne la vie (création-procréation).  Cette figure est très présente dans le kente pour nous rappeler que la société akan est matrilinéaire.

Les triangle représente la vie avec ses trois côtés. La base symbolise la naissance (l'émergence dans le monde) et l'existence (la réalisation de soi et de son destin), tandis que le sommet symbolise à la fois la mort (physique) et l'élévation spirituelle. Les trois côtés du triangle sont également assimilés à la famille. Ce sont les principes masculin et féminin qui s'unissent pour donner naissance à un troisième principe, tout comme le père et la mère donnent naissance à l'enfant ou comme l'intellect et le cœur donnent naissance à la volonté. En résumé, le triangle est une simple plénitude. Il représente la vie de l'homme.

Les losange est composé de deux triangles juxtaposés, chacun reposant sur la base de l'autre, l'un à l'endroit et l'autre à l'envers. Cette figure se retrouve dans de nombreux kente portés par les rois et les chefs lors des grandes cérémonies. Elle est le signe de la dualité existentielle du monarque (ou du chef), son existence en tant qu'être humain représentée par un triangle (celui du haut) et son existence en tant que chef (celui du bas). Ces deux triangles ont des bases ouvertes, ce qui signifie que le destin de l'homme et celui du chef sont liés. Toutes ses actions en tant qu'homme et en tant que chef contribuent à son prestige et à celui de l'institution royale.

Les cercle représente l'infini. Le cercle fermé n'a ni fin ni commencement. Il est assimilé à la puissance en tant que concept de l'infini, qui transcende le temps. Tout comme la royauté intemporelle dont les origines se perdent souvent dans la nuit des temps. Le cercle complet représente l'univers, la société, la communauté des hommes. Cette figure d'essence divine se retrouve dans presque tous les kente portés lors de l'intronisation d'un roi pour rappeler au peuple sa divinité.

De manière universelle, la croix ramène au mouvement de l'eau et du feu mais surtout aux quatre points cardinaux. Lorsque nous étendons les bras, c'est une croix qui symbolise la force vitale, le souffle de la vie, le point de référence existentiel. La croix se retrouve sous plusieurs formes dans le kente mais aussi dans un autre pagne akan, l'adinkra.

Ce tissu est toujours fabriqué selon la méthode traditionnelle. Ce sont les hommes qui le tissent et dès l'âge de 12 ans, leurs garçons commencent à apprendre la technique pour prendre plus tard la relève. Les tisserands travaillent ensemble du matin au soir en plein air, sur leurs machines en bois et ils transmettent cet art à leurs fils de génération en génération.
Le kente aujourd'hui démocratisé peut être lu comme un livre d'anthropologie. Il permet de saisir la conception philosophique, politique et sociale de la société akan.

Porté au-delà des frontières africaines, le Kente bénéficie d'un véritable effet de mode. Il n'est plus destiné à une seule classe sociale.
Preuve de cette inter-culturalité entre les peuples africains, le Kente ou Kita est la mémoire historique de tout un peuple.